REFLEXIONS. Misons tout sur le vert.
- laurenttrail94
- 6 juil. 2020
- 3 min de lecture
La concomitance des élections municipales qui ont vu une vague verte déferler sur les grandes villes, la présentation de la convention citoyenne sur l’écologie et l’omniprésence de la thématique ESG dans la communication financière me conduisent à m’interroger si l’avenir de l’investissement socialement responsable est aussi linéaire que semblent l’être les victoires électorales ou la couverture médiatique sur le 110km/h.
Tout d’abord un postulat : l’ESG est là pour durer, c’est légitime, nécessaire et créateur de valeur. J’ai pu en plus de 25 ans voir le poids croissant au départ juste dans quelques maisons francophones, puis flamandes et scandinaves de la gestion socialement responsable, les réticences des intermédiaires pour répondre à ce besoin et la mise en place de plus en plus structurée d’une offre de services. Avec l’élargissement de la demande, les outils se sont perfectionnés, institutionnalisés, et les organes de contrôle multipliés. Ce dernier point est le vrai signe que nous sommes passés d’une période de pionnier, à celle de normalisation. Voire d’universalisation sinon d’uniformisation avec le risque de disparition de l’alpha.
L’ESG fait donc la une, mais cela signifie-t-il qu’il n’y a plus qu’une stratégie ou un outil de gestion ? Je sais que l’ESG n’est qu’un filtre parmi d’autres, mais cela reste celui dont les trous du tamis sont le plus petits. Qu’en est-il des autres filtres ou styles ? Plus personne ne parle de fonds rendements, de fonds value, de fonds small-mid, le GARP a disparu corps et biens. La faute aux GAFA, à la tech à la disruption technologique, à la Covid, aux Banques Centrales. Pleins de bonnes raisons qui balaient d’un revers de la main des décennies d’enseignements en finance et de stratégies établies. Logique si nous sommes dans le monde d’après, plus questionnable si nous rappelons les enthousiasmes passés qui ont été douchés par des performances chaotiques: dans les années 90, l’attrait pour les fonds Euro quand tout le monde enterrait les fonds pays, puis les fonds small midcaps des années 2000, les fonds sectoriels des années 2003 et des stratégies cœur-satellites, puis low vol post crise financière ou celle des fonds patrimoine à partir de 2010.
Un argument que j’accepte est que cette fois-ci est que nous ne sommes pas dans une stratégie de gestion de portefeuille mais d’une approche marketing. Derrière la démarche ESG se cache souvent des fonds thématiques, quasi sectoriels, qui sont une approche plus « produit » que « concept » de la finance : Difficile de s’enthousiasmer en effet pour acheter un fonds Euro-Stoxx 50 froid et déshumanisé, quand défendre les nouveaux modes de consommation, la lutte contre le réchauffement climatique ou l’équilibre alimentaire l’est davantage. Cela conduit notamment aux excès du greenwashing de la part des entreprises comme des sociétés de gestion. Tout le monde fabrique à présent du « Omo », qui gère, qui produit, qui sert, plus vert que vert. Pourquoi pas… le succès du marketing dans les produits de grande consommation légitime que la finance un jour ou l’autre finisse par tomber sous son emprise. Cela peut permettre de diffuser davantage l’investissement en actions (je suis plus sceptique sur l’impact de la gestion ESG sur la gestion obligataire ou crédit), encourager la diversification et la reconnaissance du rôle socio-économique de l’entreprise, créateur et non pas destructeur de valeur. Mais de la même manière que l’écologie n’est pas une religion, l’ESG ne saurait être un dogme. Cela reste un outil pour le gérant et non pas le contraire.
A demain.
Laurent
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