REFLEXIONS. Le sport: La difficile recherche de performance.
- laurenttrail94
- 7 juil. 2020
- 4 min de lecture
Le succès de Peloton aux USA qui a doublé YTD nous rappelle que l’économie du sport connait les mêmes soubresauts que les sports eux-mêmes. L’émergence de nouvelles catégories qui éclatent au grand jour en s’appuyant sur une histoire longue mais sans engouement populaire jusque-là (tennis et ski des années 70, planche à voile et running des années 80), et l’arrivée de sports plus marqués régionalement (surf) qui restent s’adresser à un public de spécialistes. Comment assurer un cas d’investissement stable à long terme pour une entreprise présente sur une catégorie avec les booms et burst de la demande d’équipement qui s’ensuivent ? Regardons les difficultés des fédérations sportives pour réussir à équilibrer leurs comptes, la faillite de nombreuses PME présentes sur des catégories pourtant considérées comme reines (voire petites reines dans le cas du vélo, le ski, le tennis), ou celles des grands groupes qui cherchent à se diversifier (Adidas dans le golf).
Nous avons toujours eu cet antagonisme très fort entre des droits de retransmission qui se monnayaient de plus en plus fort (JO, compétitions de foot), des athlètes (et tout l’éco-système qui gravite autour) qui pouvaient de mieux en mieux vivre de leur performance, des organisateurs d’évènements qui devaient se résigner à chercher l’équilibre au mieux (voir l’échec de Lagardère sport), et des clubs qui s’affirmaient davantage comme une vitrine d’un sponsor qu’une entité cherchant à dégager de manière durable des bénéfices. Le modèle des clubs aux USA et en Asie est différent avec un mix marketing/immobilier dans la NBA, NFL ou la MLB qui pérennise quelque peu les flux de CF.
Dans un modèle global il s’avère que seul le basculement sur des activités connexes permet de rentabiliser le modèle sportif :
1) Adidas, Puma et Nike n’ont jamais gagné de l’argent avec les équipements qui servent de faire valoir à vendre textile et chaussures, Amer sport pour sa part a fini par se vendre à Anta au pic de l’euphorie sur l’outdoor (Salomon) et en préparation des JO de ski en 2022 (Atomic) : il leur a fallu pour y arriver sortir du cercle infernal des achats de licences, lancement marketing onéreux de produits, toujours la tentation de la diversification pour réussir à se concentrer sur a) leur héritage vintage ou b) le produit très tech qui permet de tirer les prix vers le haut.
2) Les diffuseurs (chaines de Pay TV) sont parvenus, dans une période où le système n’avait pas encore atteint le prix d’équilibre, à générer des marges suffisantes (et encore pour les modèles bien établis tels que BskyB ou Canal + il y a 20 ans). Aujourd’hui devant l’éclatement de la concurrence et les raisonnements de prises de parts de marché (nouveaux entrants GAFA) davantage que d’équilibre économique, ce modèle n’est plus viable considérant aussi l’inflation du couple revenus/coûts que cela a engendré pour les clubs portés depuis 20 ans par cette inflation des droits perçus.
3) Catégories connexes de cette diffusion il ne faut pas oublier les paris sportifs (FdJ) qui trouvent dans une légalisation de plus en plus large une audience qui assure une croissance régulière compensant la perte sur des créneaux de paris plus traditionnels (courses hippiques par exemples ou de lévriers pour mes lecteurs anglais).
4) La diffusion des performances d’une communauté (à la Peloton) qui se trouve dans la situation des clubs il y a 30 ans, payant pour avoir accès au réseau quand dans le cas des exercices en ligne cela devrait être l’inverse au regard de la valeur des données collectées est le dernier thème à la mode. Dématérialisé, à la différence des clubs de fitness traditionnels, la structure de coûts est réduite au minimum pour une diffusion de plus en plus large.
5) Il reste quelques exceptions à la Technogym mais qui s’expliquent par le boom de leurs clients (explosion du nombre de nouveaux hôtels et modernisation des offres de loisir) ou des facteurs conjoncturels tels que la pandémie.
6) Nous avons en outre les distributeurs qui ont suivi le chemin inverse des équipementiers en développant petit à petit leurs marques propres sur le terrain du discount. Là encore « the winner takes all » quand on compare les destins contrariés d’une Go Sport (appartenant à Rallye) à ceux de Decathlon.
7) Enfin la catégorie à la plus forte croissance s’affirme être l’e-sport. A la frontière entre le jeu vidéo et la performance sportive en individuelle ou par équipe, les éditeurs de jeux video (Ubisoft dont la performance est de +25% YTD) sont les plus impliqués, suivis par les détenteurs de licences de tournois tels que ESL (appartenant à MTG qui subit la volatilité liée à l’annulation de rencontres cette année).
Et c’est probablement dans une interaction de plus en plus forte entre joueurs physiques et joueurs e-sports que le marché va évoluer. Quel meilleur exemple que Tencent qui investit et dans Amer sports et dans Ubisoft. Si le monde se dirige vers une technologisation de plus en plus forte, il est logique que le sport bascule lui aussi du loisir vers la tech, laissant ouverte la question de la place de l’éthique.
Laurent
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