REFLEXIONS. La meilleure des ondes, la 5G.
- laurenttrail94
- 3 juin 2020
- 3 min de lecture
La tribune récente du PDG de Bouygues Telecom, M. Martin Bouygues, rappelle combien les enjeux autour de la mobilité sont pluriels : politiques, écologiques, sociaux, technologiques, ils illustrent la difficulté de trouver un accord sur le déploiement de la 5G. A chaque bond technologique, les industriels fluctuent entre la crainte d’aller trop vite, et donc de développer une technologie que l’on serait seul à utiliser (pensons au SECAM) ou au contraire d’aller trop lentement (avec in fine une technologie que l’on se voit imposée). C’est la fonction même de la R & D avec un accent parfois trop mis sur le R et insuffisamment sur le D. Dans le cas présent la mise aux enchères des licences 5G met en exergue que:
1) La France a déjà pris du retard par rapport à ses voisins européens (allemands, italiens) et nul doute qu’il sera plus complexe de faire payer ses licences post pandémie au même prix qu’elles auraient valu en 2019.
2) Avec les licences s’ouvre plus globalement la question des fournisseurs, et du risque induit pour Bouygues et SFR de voir la matériel Huawei être interdit. De 2.5Mds€ de déploiement de la 5G par opérateur, le coût passerait à 10Mds€ (dans le cas où il faut changer tous les terminaux 4G Huawei en terminaux 5G Nokia ou Ericsson). Le facteur politique va interférer avec la décision économique conduisant M. Bouygues à envisager de porter l’affaire en justice (menace lors de la publication des résultats annuels).
3) Le retard (lié à la pandémie) des enchères, voire leur report comme demandé, reportent d’autant le développement (justement le D sur lequel nous pêchons) de services connexes avec tout l’écosystème qui va de pair. Il faudra ensuite les acheter à des tiers. Au moment où la question de la relocalisation/dé-globalisation se pose, cela semble encore un scenario que l’on peut éviter (à l’image du plan de développement de batteries électriques en France si l’on considère que cette industrie est encore au début de sa phase de D).
4) Les risque écologiques et sanitaires que je ne saurai qualifier ni commenter doivent être mis en parallèle des progrès technologiques de ces 200 dernières années : la plus forte consommation d’énergie liée à la 5G (tout autant parce que le relais 5G consomme davantage que le relais 4G mais aussi parce qu’il y en a plus) est à mettre en rapport avec la multiplication du nombre de données circulant par relais. En relatif la consommation sera plus faible, en absolu elle pourrait facilement doubler : Aujourd’hui les réseaux mobiles produisent déjà selon Ericsson 1.4% du CO2 mondial pour un coût énergétique de 25Mds$. Les économies que le 5G induiront dans le transport ou l’industrie sont cependant à prendre en considération.
5) Les exigences du monde d’après qui s’appuient massivement sur la notion de mobilité (moindre densification urbaine, développement du télétravail, consommation de biens et services locaux, meilleurs services sanitaires) portent en elles le besoin de la 5G. Reste j’en conviens à circonscrire son champ d’action (au propre comme au sens figuré) pour que des applications à la Huxley ne discréditent pas le projet. Cela fait écho par certains aspects aux discussions autour de l’utilité du développement du nucléaire (civil vs militaire, coûts réels, coûts cachés, comment contrôler le développement).
6) La lecture boursière de l’impact du déploiement de la 5G reste toujours aussi complexe, avec Nokia et Ericsson qui ne peuvent pas encore capitaliser sur des effets d’échelle suffisants et sur l’accroissement de la composante software. L’effet devrait être au S2 2020. Concernant les opérateurs, ils ne constatent pour l’instant que l’effet consommateur de CF de ces CAPEX. La tribune, la semaine dernière, n’aide pas les calculs des analystes sur le ROCE des opérateurs français et probablement faudra-t-il attendre plus longtemps l’impact positif sur les opérateurs que sur les équipementiers.
Je ne suis pas un défenseur ardent d’Auguste Comte et de son positivisme, mais force est de constater que c’est grâce à la 4G que l’impact de la crise économique actuellement peut être minorée : Le télétravail dans cette ampleur n’aurait jamais été possible il y a 20 ans, quand la communication de données était réduite aux SMS et les classes virtuelles se seraient résumées à des classes buissonnières. Les coûts initiaux de déploiements de le 3 et 4G ont été massifs et nous pensions que jamais le ROI puisse être massivement positif. On voit qu’il l’a été, pour la collectivité. Il n’y a pas de raison qu’il n’en soit pas de même pour la 5G.
A demain.
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