REFLEXIONS du 4 février. Les flux ont-ils une morale ? C’est la fête des ETF.
- laurenttrail94
- 15 févr. 2021
- 4 min de lecture
L’analyse fondamentale est complexifiée de nos jours par l’importance donnée aux facteurs macros qui justifient de basculer sur d’autres outils de valorisation que les PER à la faveur de taux d’intérêts sans risque négatifs ou aux facteurs flux qui concentrent ces excédents de liquidité dans quelques classes d’actifs. Il a été abondamment écrit sur ces formations et donc risques de bulles et nous savons que la seule solution pour résoudre ses dernières de manière indolore à partir du moment où elles se sont généralisées sur tous les actifs financiers est de faire perdre au sous-jacent sa valeur initiale plutôt que d’anticiper un krach de tel ou tel actif. Cette dévaluation (d’une monnaie) privilégiée à la dévalorisation (d’un actif ou d’une dynamique telle que le travail) est consubstantielle à la politique des taux d’intérêts négatifs qui va de pair avec une masse monétaire M1 en forte expansion. Cette guerre des changes est inéluctable, à court moyen terme, si l’on observe tous les signaux faibles qui se présentent : développement des crypto-monnaies, explosion des bilans des banques centrales, moindre prédominance du dollar dans les flux internationaux, fort développement des paiements digitaux. Ceci accroitra une fois de plus les fortes volatilités dans les différentes classes d’actifs qui font de l’achat de Vix probablement une des meilleurs classe d’actifs à l’achat mais surtout qui justifie la stratégie de diversification vers des actifs marginaux ou (aujourd’hui) illiquides. Je ne parle pas ici de l’effet richesse qui a tiré vers le haut la valeur des actifs tels que voitures de collection, art, vins voire immobilier résidentiel en jouant de l’effet rareté pour leur conférer une valeur, en plus de leur aspect valeurs de consommation ou d’usage.
Je pense aux pures valeurs d’investissements financiers : matières premières, valeurs cotées et non cotées. Je sais combien la frontière est poreuse entre les deux depuis la constitution de fonds disposant d’une liquidité toujours plus forte. Ainsi la liquidité journalière de certains hedge fonds a été le préalable au développement des fonds cotés d’actifs non-cotés, de foncières, et surtout du formidable essor des ETF que l’on cuisine à toutes les sauces et pare de toutes les couleurs.
Les ETF sont le Dyson des marchés : ils aspirent sans bruit à une vitesse phénoménale les flux de liquidités, les recyclent en quelques lignes d’actifs sous-jacent et vous garantissent que vous avez avec eux absolument tout ratissé : de la plus petite, obscure valeur, à la plus grosse qui sera elle capée de toute façon. Il n’y a plus de limites et ce qui était une très bonne idée il y a 10 ans pour offrir des actifs synthétiques cotés semble aujourd’hui dépassé par son succès : Tant que personne ne réclamait une livraison physique, on estimait que le risque de liquidité était marginal, mais au fur et à mesure que ces ETF s’éloignent des grands indices ou thèmes, pour aller sur des actifs à la bitcoin ou les Smallmids caps, elles alimentent des bulles dont la seule issue est la fuite en avant.
Ma crainte dans ce compartiment réside notamment dans les ETF ESG et le poids qu’ils peuvent représenter dans les flux journaliers sur certaines valeurs. Ce danger est régulièrement mis en avant auprès des investisseurs concernant certaines valeurs dont la hausse depuis un an dépasse les simples facteurs fondamentaux ; mais le plus grand risque réside dans l’influence que cette valorisation va avoir sur les valeurs elles-mêmes et sur leur priorités. Quand certaines valeurs dans les énergies renouvelables (que je différencierais des biotech dont la valeur d’un brevet à venir peut justifier les multiples) mettent dans leur communication financière que tel fonds action a surperformé ses concurrents parce qu’il l’avait en portefeuille, je constate une confusion des genres : plus communiquer sur la performance passée du titre que sur celle de ses produits devrait être aussi un critère, discriminatoire, ESG !
La concentration des stratégies sur quelques catégories du marché action (digital, tech, biotech, ESG) est pavé de bonnes intentions, encourageant l’idée que les flux financiers amènent les flux physiques mais malheureusement dans un nombre toujours trop faibles d’actifs cotés alors que la majeure partie de l’investissement ESG devrait être dans le non-coté, en dehors des circuits traditionnels de financement bancaires et boursiers. Pour l’ESG c’est dans cette catégorie d’actifs non-cotés que l’alpha réside, ne laissant aux fonds et donc ETF ESG plus que le béta à chasser.
Demeure aux institutionnels parmi les actifs à découvrir les actifs physiques ESG tels que l’hydrogène, le LNG (notamment au regard du risque politique concernant Nord Stream 2), la terre agricole ou les forêts, les ressources naturelles y compris minerais en général qui devraient pouvoir avec les progrès de la science être à moyen long terme décarbonées. Des fournisseurs traditionnels à la GTT ou l’ancienne/encore actionnaire Engie restent des vecteurs moins en vogue aujourd’hui mais toujours bien placés.
En conclusion, s’il n’y a pas de bon ou mauvais flux (le flux instit et dans l’ESG serait bon, celui des particuliers value serait mauvais), et l’aiguillage se fera selon la hausse des taux comme celle de l’inflation. Dès lors réduire la vitesse du portefeuille en réduisant la pondération ETF/ passifs au profit des fonds actions actifs/ flexibles et vrais non-cotés permettra de gagner en flexibilité dans le monde d’après.
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