REFLEXIONS. Attention aux matériaux de construction quand ils cassent la baraque.
- laurenttrail94
- 12 oct. 2020
- 3 min de lecture
Le secteur des matériaux de construction (à l’exclusion des cimentières) a connu une très belle performance depuis 6 mois avec des performances YTD qui avoisinent les +10% en moyenne et certains dossiers à +30 ou 40%. Qu’un Kingspan se paie 40x les résultats ne choque personne (valeur croissance, ESG, stratégie M&A), qu’un Kingfisher soit en hausse de 40% YTD peut s’expliquer (redécouverte du bricolage, développement de nouveaux formats, nouveau PDG) mais ne sommes-nous pas entrés dans une phase d’exagération?
La seconde vague de la pandémie va conduire à une montée des restrictions de circuler. C’est le cas pour le tourisme, cela impacte aussi petit à petit le transport routier ou le transport maritime. Ainsi est-il, depuis quelques jours, de plus en plus difficile de s’approvisionner en matériaux de construction, matériel de plomberie, électricité. Des discussions avec des responsables de rayon dans des magasins de bricolage/ ameublement, des artisans ou des responsables des services généraux de grandes entreprises, confirment que l’approvisionnement redevient un problème. Les délais de livraison peuvent dépasser un mois. Les grands chantiers ne sont pas encore trop impactés, mais l’activité rénovation souffre déjà de mises en chantier reportées. Le discours des fournisseurs, lui, n’est pas encore alarmiste mais il ressort des publications du T2, revenant sur les problèmes d’approvisionnement rencontrés durant la première vague, que tous souhaitent retrouver des fournisseurs locaux, rapatriant proche de leur zone de chalandise la production de fournitures pour la maison.
Ce phénomène est très récent et n’impactera donc pas les résultats du T3, mais nul doute que les commentaires sur les perspectives du T4 seront moins optimistes, justifiant qu’une prime de risque retourne dans ces groupes.
Je ne reviendrai pas sur les facteurs fondamentaux qui ont alimenté cette surperformance (plan de rénovation pour réduire la consommation énergétique, baisse des coûts matières, espoir de plans de relance en Europe comme aux USA, baisse des coûts de fabrication à la faveur d’une digitalisation et mise en place de systèmes ERP plus efficients, bons bilans) mais je ne négligerais pas non plus l’argument flux : avec le lancement de fonds thématiques autour de l’urbanisation, de la transition énergétique, des réductions d’émission de CO2, il est manifeste qu’un petit nombre de titres ont profité des hausses d’encours de ces derniers. Rien ne justifie que ces flux ne perdurent pas (on l’a bine vu avec la tech), et toute correction conjoncturelle (comme sur des perspectives prudentes) donneraient l’occasion à ces gérants de renforcer dans une optique structurelle. Mais sur quels niveaux de valorisation ? 23x l’EBIDA 2021 comme pour Kingspan ? Je ne suis pas dupe que cette question peut être posée pour chaque valeur de croissance, et qu’en l’absence de rebond cyclique accompagné d’une forte hausse des taux longs, ces titres continueront d’être valorisé en DCF, avec une forte valeur terminale. Mais à 21 ou 19x l’EBITDA, le titre ne serait-il toujours pas une valeur de croissance ?
En conséquence, les Rockwool, Sika, Kingspan ne sont pas immunisés contre ces problèmes logistiques, sans parler des précautions que peuvent prendre certains distributeurs (BtoB ou BtoC) pour mitiger les effets d’un Brexit désordonné (surstockage en GB de certaines catégories de produits courant T4). Les distributeurs comme Kingfisher ou Rexel sont en première ligne pour faire face à ces ajustements de la chaine logistique, comme pourrait l’être un Legrand, qui se paie toujours 15x l’EBITDA 2021. Prudence donc pour ces dossiers matériaux/distribution que l’on a bien trop souvent tendance à vouloir mettre dans la case croissance (ce qui peut être justifié sur un cycle), mais à des multiples toujours trop élevés au regard du marché sous-jacent (rappelons-nous des Tarkett ou Maisons du Monde).
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